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Killer

Novembre 2017

NaNoWriMo arrangé  : une nouvelle par jour pendant un mois

Jour 1


Cher journal, ça y est, ma formation a commencé aujourd’hui. Je ne pensais pas que ma promotion serait si nombreuse. Nous sommes une cinquantaine environ, tous entre quinze et dix-huit ans. Par contre je suis une des seules filles. De toute façon je ferai tout pour aller jusqu’au bout du parcours. Les instructeurs nous ont expliqué que nous serions éliminés au fur et à mesure d’épreuves. Il n’en restera qu’un à la fin. Une seule place et elle sera pour moi.

 

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Jour 7


Cher journal, pour le moment les cours ne sont pas palpitants. Les professeurs se cantonnent à des explications théoriques. En une semaine, nous avons seulement étudié les utilisations des armes blanches. Je sais exactement quel genre de lame planter à quel endroit du corps, quels gestes effectuer pour une mort immédiate ou une agonie discrète, mais je commence déjà à m’ennuyer un peu. J’ai hâte de passer aux travaux pratiques. Il paraît que la semaine prochaine, on va commencer les premières sélections. Peut-être que les cours bougeront un peu plus après ça.


Heureusement les autres élèves aident à passer le temps. Il y en a des carrément taciturnes et solitaires mais la majorité est plutôt sympathique. On sait que tout le monde est susceptible de quitter la formation, donc on évite de trop se lier d’amitié, mais certaines affinités se sont tout de même formées. Plus précisément des sortes de clans dont les professeurs aiment augmenter les rivalités. J’imagine que ça fait également partie du programme.

 

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Jour 16


Cher journal, les premiers éliminations ont eu lieu. Personne n’imaginait qu’elles se dérouleraient ainsi, mais en y réfléchissant c’est plutôt logique. Le recrutement s’est fait dans un tel secret que l’organisation ne pouvait pas se permettre de renvoyer les candidats recalés dans la nature. Les tuer reste en effet la manière la plus efficace pour garantir leur silence.


Ils nous ont réveillés il y a deux jours, un peu avant l’aube, et nous ont envoyés dans la montagne avec seulement un couteau chacun. Nous devions nous débrouiller pour y passer deux nuits. On s’est organisé, chaque clan de son côté, mais on ne comprenait pas franchement l’intérêt du challenge. Il faisait beau, l’air n’était pas encore trop frais, la marche jusqu’au sommet en a fatigué certains, mais ce n’était rien de bien méchant.


L’épreuve a commencé vers deux heures du matin. Je me suis réveillée en sursaut avec un mauvaise pressentiment, et surtout l’impression tenace d’être observée. Je me suis retrouvée face à une rangée d’yeux jaunes et brillants. Une vingtaine de loups avaient entouré le campement. Juste le temps de hurler pour donner l’alarme et ils ont attaqué. Ils étaient nombreux, trop nombreux. Je me suis précipitée sur mon couteau et j’ai donné de grands coups dans la nuit. Je ne voyais rien, je distinguais seulement de longues formes sombres qui se déchaînaient autour de moi. Alors j’ai frappé à l’aveuglette, du plus fort que je pouvais. Et chaque fois que ma lame rencontrait une résistance, je ne pouvais qu’espérer qu’il s’agisse bien d’un loup et pas d’un de mes amis.


L’attaque a duré une heure. Une heure de folie furieuse, de hurlements et de confusion. Une heure épuisante. Quand enfin le calme est retombé sur le camp, je n’avais même plus la force de faire de la lumière pour évaluer les dégâts. Je me suis écroulée contre un arbre et j’ai attendu l’aube.


Aux premiers rayons du soleil, nous avons pris l’ampleur du combat. Dix-neuf loups énormes, au pelage gris maculé de sang gisaient sur le sol. Treize des nôtres avaient également succombé, et onze étaient sérieusement blessés. Pour ma part, je m’en sortais avec de simples balafres sur le visage et les bras. Une vraie chance ! Nous avons laissé les cadavres sur place, loups et hommes sans distinction, et nous sommes rentrés à l’école avec les blessés. Les professeurs avaient l’air très fiers de nous. Je crois que ça y est, la formation a officiellement commencé. Nous ne sommes plus que trente-sept.

 

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Jour 17


Cher journal, nous nous sommes enfin exercé à l’assassinat à proprement parler. On nous a demandé d’exécuter ceux qui ont été blessés dans l’attaque. Nous ne sommes plus que vingt-six.

 

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Jour 38


Cher journal, les professeurs nous ont accordé quelques jours de repos pour se remettre de la première vague d’exécutions. Depuis, on a commencé l’apprentissage des armes à feu. Je n’aime pas ça. Trop impersonnel, trop lourd, trop odorant. La lame a un côté plus intime, elle oblige le contact. J’espère que nous aurons la possibilité de choisir son arme lors des prochaines éliminations.

 

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Jour 52


Cher journal, le niveau des sélections a encore augmenté. Nous sommes retournés dans la montagne, avec cette fois ci une ration alimentaire et un fusil de précision. Nous devions nous disperser dans les bois et survire trois jours. Plutôt que de rester terrée et attendre qu’on me trouve, j’ai préféré partir à la chasse. J’ai abattu deux de mes anciens amis. Cette sélection m’ennuie. Ce n’est pas à être soldat que je voulais être formée. Je comptais devenir assassin. Alors j’ai tiré sur eux pour passer ma déception. Je n’ai pas été la seule à agir comme ça, puisque la fin des trois jours nous n’étais plus que cinq. Et j’étais la dernière femme en lice.

 

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Jour 60


Cher journal, demain nous commençons enfin des missions sur de vraies cibles.

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Jour 61


Cher journal, aujourd’hui j’ai assassiné quelqu’un. Dans les règles de l’art, proprement, discrètement. Je ne sais pas qui cet homme pouvait être. On me l’a désigné. Je l’ai tué. Froidement, sans oublier une seule des recommandations vues en cours. J’avoue être fière de moi. Par contre, deux apprentis ont été repérés. Ils ont échoué et ont été exécutés. Ils le méritent. Ils n’étaient pas assez forts pour continuer. Nous ne sommes plus que trois.

 

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Jour 80


Cher journal, je n’ai que très peu de temps ces derniers jours. Les exercices se sont encore intensifiés. Chaque jour je me sens devenir plus forte, plus agile, plus expérimentée. Bientôt je serai prête. La place sera pour moi. Plus question d’amitié ou de bonne entente entre nous trois, les rescapés. Un seul d’entre nous terminera la formation. Les autres mourront.

 

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Jour 84


Cher journal, ce matin un d’eux s’est suicidé. Je ne sais déjà plus son nom. De nous trois il était le moins fort. Depuis quelques temps il chancelait. Il n’avait pas le mental, il n’a pas su résister. Nous ne sommes plus que deux.

 

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Jour 93


Cher journal, demain débute l’épreuve finale. Elle est simple : lui ou moi. Nous avons le droit à tout pour tuer l’autre. C’est une simple partie de chat et de la souris qui commence, où nous serons tous les deux à la fois chasseur et chassé. Je vais l’avoir, je le sais. Le prochaine fois que je t’ouvrirais, cher journal, ce sera pour t’annoncer ma victoire. A très vite.

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