La guerre des Dieux
Mai 2018
Une attente. Comme une pause. La vie en suspens. Un poids pèse sur la ville. Tout est ralenti. Lentement, les nuages s’amassent. Lentement, le silence se fait. Il est temps de regarder par la fenêtre. Tout est prêt.
Au départ, on ne voit rien. Simplement quelques grondements discrets. Un léger souffle frais dans l’air suspendu. Quelques gouttes timides qui s’écrasent au sol. Une broutille, à peine une lumière. Rien d’intéressant pour qui ne sait pas attendre.
Brusquement, tout éclate. Le ciel gris est illuminé. L’orage est discret, il sait rester secret. On ne devine rien. Seulement des nuages d’un gris jaune qui deviennent, une fraction de seconde, d’un intense violet. Il est permis de douter. L’a-t-on vraiment vu ? N’est-ce pas qu’une illusion, à force d’espérer ?
Enfin, le tonnerre s’en mêle. Il s’enroule, n’ose pas encore s’approcher. A peine plus que le ronronnement d’un chat céleste. Pourtant, ça y est, le spectacle a commencé.
Peu à peu, l’orage s’exhibe. De grandes zébrures déchirent le ciel. Trois secondes de suspens, quatre… Ça y est, les nuages craquent en un grondement de fin du monde. Le ciel explose, se fracasse, se tord, s’enroule, s’éparpille tout à la fois. Le tonnerre l’emplit, grâce, profond. Le tonnerre le déchire en un hurlement strident.
Dès lors, c'est l’apothéose. Les éclairs se dessinent. Chacun veut sa part u butin. Tous se font plus grands, plus larges, plus brillants. Une lumière éphémère qui pare les nuages jaunâtres du plus beau des joyaux.
La pluie se joint à la fête, son léger et délicat au milieu du fracas. Elle tapote aux carreaux, cliquète au sol, elle aussi hésitante pour son entrée. Puis elle prend confiance, se densifie. Les nuée tombent d’un ciel déjà déchainé. Au son et à la lumière, vient s’ajouter l’odeur. Une odeur d’été, l’odeur de la terre chaude et mouillée. Odeur enivrante de campagne même au coeur de la ville. Odeur réconfortante et chaleureuse. Odeur de l’herbe qui reprend vie.
Là-haut, l’affrontement continue. Quels dieux puissants se battent au dessus des nuages ? Quelles entités font résonner leurs voix graves et lentes au milieu des orages ? Quelles forces s’affrontent donc au coeur du ciel ? Je ne peux être que là, à observer. Témoin minuscule et impuissante d’une nature plus grande que moi. Témoin émerveillée aux yeux écarquillés par cette beauté que je ne peux maitriser. Témoin humble de cette nature sauvage et déchainée.
Doucement, le ciel se calme. Les lumières vives se font plus rares. Le fracas s’éloigne. Les grondements s’assagissent. Reste la pluie, rafraîchissante, bienfaisante. Une pluie calme, apaisante après ces déchirements. Ultime témoin des affres de violence dans lesquels les nuages étaient plongés. Un dernier coup de tonnerre. Pour partir en beauté. Un dernier éclair, net, bien dessiné. Un dernier salut avant de quitter la scène. Le rappel du comédien qui a déjà tout donné. Il veut les vivats du public. Il veut recevoir toute son admiration. Se faire acclamer, encore. Prouver que s’il le veut, l’orage peut revenir, encore plus fort.
Le ciel s’éclaircit. Le spectacle est fini.