Le temps du Nooun
Prologue
« Ehirak, non ! Tu n’as pas le droit de me demander ça !
- Ysaanith, je t’en supplie…
- Je ne peux pas !
La voix d’Ehirak se durcit. Il serra le poignet de la jeune fille de toute la force qu’il lui restait encore et regarda Ysaanith droit dans les yeux, l’air sévère.
- Ysaanith, tu dois le faire.
- Mais…
- Si tu m’aimes, fais-le. Il n’y a pas d’autre solution. »
Le jeune garçon tenta de s’accouder au matelas sur lequel il était étendu depuis plusieurs jours déjà, mais, sans force, il retomba lourdement sur le dos. Il resta immobile quelques secondes pour contenir la vague de désespoir qui le submergeait. Il ne devait pas penser à sa situation. Oublier sa souffrance tant qu’Ysaanith serait près de lui. Cacher son hésitation. Il lui fallait être ferme et persuasif. Il n’y avait rien d’autre à faire, il le savait. Il était bien évidemment conscient de ce qu’il venait de demander à la jeune fille, mais il n’avait plus le choix. D’ici quelques heures, la souffrance serait telle qu’il ne pourrait même plus parler. Il fallait en finir avant. Quoi qu’il en coûte.
Le souffle court, il reprit faiblement :
- Ysaanith, je t’en supplie, épargne-moi cette longue agonie. Aide-moi à mourir tant qu’il en est encore temps. »
Ysaanith essuya d’un geste rapide, nerveux, la larme qui roulait sur sa joue. Elle explora la pièce des yeux, espérant que le spectacle qu’elle y trouverait l’aiderait à accomplir ce que son compagnon lui demandait. Etroite et sombre, la Salle d’Isolement servait à parquer les Possédés, ceux qui, comme Ehirak, étaient habités par les malfaisants Jeni. On les y mettait en quarantaine, et ils attendaient, dans l’obscurité, une mort lente et douloureuse. Après le létipe, la contamination de l’âme d’un humain par un Jeni, l’énergie vitale des Possédés était progressivement absorbée, leur âme, détériorée.
Le regard d’Ysaanith se posa sur les deux autres Possédés présents. Ils avaient déjà sombré dans la folie, leur corps décharné solidement attaché au mur de pierres. Ils poussaient régulièrement de terribles cris de souffrance qui se perdaient en échos infinis dans la longue pièce souterraine. Toute bribe d’humanité semblait les avoir quittés, pour laisser place à un tourment indicible. Ysaanith le savait, ils n’avaient déjà plus conscience d’eux-mêmes, ils avaient oublié jusqu’à leur identité. Ils n’étaient plus que des masses hurlantes, des boules de douleur vive.
La jeune fille se mordit la lèvre et réprima un sanglot. Elle ne voulait pas d’une telle fin pour son cher Ehirak. Il avait raison, c’était la seule solution. Ses yeux se posèrent sur la fine lame noire. Elle saisit l’arme. Sa main tremblait. Devinant que la jeune fille n’hésitait presque plus, Ehirak rassembla ses dernières forces pour esquisser un faible sourire.
« Merci Ysaanith. Merci. Pardonne-moi de t’avoir fait faire une telle chose. »
Ysaanith hocha la tête, les larmes aux yeux, et affirma sa prise sur l’arme. Elle prit une longue inspiration. Son regard se durcit, ses gestes devinrent plus assurés, presque mécaniques. Sans plus regarder le garçon agonisant, elle lui transperça la poitrine. Elle resta un long moment assise tandis qu’une épaisse brume noire l’enveloppait lentement, signe que le Jeni quittait l’âme de son compagnon. Puis elle se leva doucement et, l’arme toujours en main, elle s’éloigna d’un pas décidé des ruines de son amour perdu. Sans se retourner.
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